Jean-Pierre Criqui
“It’s very simple, albeit impossible to understand.”
Auguste Blanqui, Eternity by the Stars
Auguste Blanqui, Eternity by the Stars
The interior of the Earth is a vast darkroom. To venture inside invariably sparks the premonition of a revelation as well as a longing for the image, both integral motifs to photography, and that Sabine Mirlesse’s book intertwines in a thousand ways. In this journey, which feigns to drive us towards the light only to return us, back again, into the night, remains something of the previous yet very different book As if it should have been a quarry. The quarry the title alludes to (in words borrowed from a Robert Frost poem), certainly speaks to a firm penchant for a type of geological, mineralogical reverie which at that time found its form in Icelandic volcanoes and their ruins; but also to the choice to not only be a photographer, expressed through the parallel production of graphite drawings and imprints of volcanic ash. In the present case, Dante’s subterranean is punctuated here and there by Pasolini’s fireflies (geographical references as much as cultural ones), and the reverie follows course, albeit more abstractly. In certain instances, the images’ referent eludes unequivocal identification. It seems “de-situated” or “un-situated” and leaves us uncertain about what we’re looking at, which may well be an attempt at rendering the feeling of disorientation sustained by whoever voyages to those depths.
A “lithophane” is the term used for an image created through a process where it is first inscribed onto a glass plate coated in wax and then etched or moulded on to very thin porcelain. Lit from behind, the image fully appears. This technique, which has secular antecedents in China, was refined in Europe around 1820 shortly before the invention of photography which also fused the use of light to the logic of the index. Moderately metaphoric in inflection, I use the term here to describe the Pietra di Luce project, which exposes matter destined for darkness or seclusion. The embossing in this book, in its serpentine interlacements, further associates other imaging methods with the photographic act. The whole thus plays ceaselessly with the potential reversibility of the positive and the negative, of top and bottom, of earth and sky. The dust the artist carries in her steps is tantamount to the milky way.
Stone of Light : this expression boldly joining two opposing forces serves as more than a title for this book. It defines it. By taking us from black to white finally returning to our point of departure, Sabine Mirlesse inverses the path she took to carry out her endeavour. However, she also replicates the route of the hermeneut, just as the simple observer, who stands before an image – from initial obscurity to a moment of progressive and partial elucidation, to which the inevitable conclusion could only be a return to the fundamental opacity of the object offered to their view. Her book allows us to enter the camera obscura of the mountain in order to discover the stellar light of stones, yet holds fast to an enigmatic spirit.
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LITHOPHANIES
Jean-Pierre Criqui
« C’est fort simple, bien qu’incompréhensible. »
Auguste Blanqui, L’Éternité par les astres
L’intérieur de la Terre est une vaste chambre noire. S’y risquer suscite immanquablement le pressentiment d’une révélation, en même temps qu’un désir d’image, deux motifs que l’on retrouve au principe de la photographie et que le livre de Sabine Mirlesse entrecroise de mille manières. Au fil de ce voyage qui feint de nous conduire vers la lumière pour nous ramener au bout du compte de nouveau dans la nuit, quelque chose persiste d’un livre antérieur, pourtant très différent, As if it should have been a quarry (mots repris à un poème de Robert Frost) : la carrière auquel ce titre fait allusion, bien sûr, qui témoigne d’un penchant ancien pour une forme de rêverie géologique, minéralogique, laquelle s’exerçait alors à partir de volcans islandais et leurs ruines ; mais aussi la volonté de n’être pas seulement photographe, en produisant en parallèle des dessins et des empreintes de cendre volcanique. Dans le cas présent, où les lucioles de Pasolini viennent ponctuer çà et là l’Enfer de Dante (contexte géographique autant que culturel), la rêverie suit un cours plus détaché des apparences. En bien des occasions, le référent de ces images échappe à toute identification certaine. Il semble « désitué », ou « insitué », et nous laisse dans l’incertitude quant à ce que nous regardons, ce qui n’est peut-être qu’une tentative pour rendre la désorientation subie par quiconque s’aventure en sous-sol.
On appelle « lithophanie » une image créée selon un procédé par lequel à l’origine celle-ci, tout d’abord incisée sur une plaque de verre enduite de cire, était ensuite gravée ou moulée en porcelaine très fine, puis devait être rétro-éclairée afin d’apparaître parfaitement. Cette technique, qui a des antécédents séculaires en Chine, fut mise au point en Europe autour de 1820, peu avant l’invention de la photographie qui combina elle aussi l’usage de la lumière à la logique de l’index. Moyennant une inflexion métaphorique, j’emploie ici ce terme pour qualifier le projet de Pietra di Luce, qui consiste à faire accéder à la visibilité une matière vouée aux ténèbres ou au retrait. L’embossage qui donne corps dans ce livre à un entrelacs serpentin poursuit par ailleurs l’idée d’associer d’autres méthodes imageantes à l’opération photographique. L’ensemble joue ainsi d’une incessante réversibilité potentielle du positif et du négatif, du haut et du bas, de la terre et du ciel. La poussière que l’artiste emporte sous ses pas équivaut à la voie lactée.
Pierre de lumière : cette expression, où s’affrontent deux forces contraires, ne sert pas seulement de titre à ce livre. Elle le désigne. En nous faisant passer du noir au blanc pour revenir finalement à notre point de départ, Sabine Mirlesse inverse le trajet qui fut le sien en vue de mener à bien son entreprise. Elle reproduit en revanche le parcours de l’herméneute comme du simple observateur face à une image — de l’obscurité initiale jusqu’à un moment d’élucidation progressive et partielle dont le terme ne saurait être qu’un retour à l’opacité fondamentale de l’objet offert à notre vue. Son livre nous laisse entrer dans la camera obscura de la montagne afin d’y découvrir la lumière stellaire des pierres, mais il conserve à jamais le caractère d’une énigme.