SABINE MIRLESSE 


Poetry’s Source

Emmanuel Tibloux 

Bell suspended in the air, high among the foliage, Ofrenda is the central artwork created by Sabine Mirlesse during her residency at Les Ateliers des Arques. I had invited Sabine as one of a small group of artists and designers to work on the region’s wealth of legends and beliefs, its local folklore and culture, with the aim of revealing something of the place to itself. She was already working on the subject of geomancy—and I told her about the Drac, the malevolent water spirit that prowls the Occitanian countryside. We went for a walk in the village bog. That’s when the idea for Ofrenda—“offering” in Occitan —was born.

A marvelous apparition in the protected environment of the marsh, the bell is an emanation of the very idea of what in France is classified as a protected “sensitive natural area” or “espace naturel sensible”, the legal category to which the Arques marsh belongs. Made of copper and metal from various vessels collected from local residents, blended into the vegetation and bathed in the same light as the bog, it captures the spirit of the place.

The Romans are said to have found the source of poetry in the rustling of leaves in the forest wind. Ofrenda is a poem that draws circles in the water with its long clapper, making the marsh ring out. The inscription, in Occitanian, takes the epigraph from Schiller’s “Song of the Bell” and adds two of the artist’s own verses, translated by a group of local Occitanists and the eldest inhabitants of the village.

This is the meaning of Sabine Mirlesse’s “offering”: that not only, in Lautréamont’s famous phrase, “poetry must be made by all, no by one”, but also that poetry is an emanation of places, that it is bound up with their history and countenance, with their very own living order. It’s on the artworks, and us, to know how to grasp and preserve that poetry.

Ofrenda shows us how to embrace the beauty of places, their singular geography, the fruit of the unfolding of living nature and the work of man. It’s as if there were one and the same movement, whereby nature becomes a poem and the poem makes nature sound. “Man is a creative glimpse of nature turning in on itself", wrote Schlegel in 1800. And Novalis, at the same time: “Art is part of nature, [...] it is, so to speak, nature contemplating, imitating and forming itself”. Ofrenda follows in the footsteps of this early romanticism, inviting us to consider art as an offering from nature to itself, and beauty as an address from nature to us. In the current ecological catastrophe, such a program has nothing to do with ethereal idealism or nostalgic anachronism: it’s an aesthetic for our time.





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À la source de la poésie


Emmanuel Tibloux


Cloche suspendue dans les airs, àhauteur de frondaison, Ofrenda est la pièce principale que Sabine Mirlesse a produite dans le cadre de sa résidence aux Ateliers des Arques. Au sein del’équipe artistique que j’ai formée, dans le dessein de contribuer à révélerle lieu à lui-même sous l’aspect deses ressources, j’avais invité Sabine à travailler sur le fonds de légendes et de croyances de la région, son folklore et ses savoirs obscurs. Elle parlait de géomancie, je lui parlais du Drac, cet esprit malin des eaux qui rôde en pays occitan, et puis nous sommes allés marcher dans le marais. L’idée d’Ofrenda — « offrande » en occitan — est née à ce moment. Apparition merveilleuse dans le milieu protégé du marais, la clochese présente comme une émanation de l’idée même d’« espace naturel sensible », la catégorie juridique dont relève le marais des Arques. Composée de cuivre et de métaux d’ustensiles divers recueillis auprès deshabitants, fondue dans la végétation, nimbée de la même lumière que le marais, elle est le bon esprit du lieu. On raconte que la source de la poésiese trouvait pour les Romains dans le frémissement des feuilles provoqué par le vent dans les forêts. Ofrenda est un poème qui de son longbattant trace des cercles dans l’eau etfait sonner le marais. Une inscription y est d’ailleurs gravée, en occitan, qui reprend l’épigraphe du Chant de la cloche de Schiller, en l’augmentant de deux vers de l’artiste, et dont latraduction est le fruit d’un travail collectif avec un groupe d’habitants occitanistes. Tel est le sens de l’ « offrande » de Sabine Mirlesse : que non seulement, selon la célèbre formule de Lautréamont, « la poésie doit êtrefaite par tous non par un », maisaussi que la poésie est une émanation des lieux, qu’elle a partie liée avecleur histoire et leur aspect, avec la configuration vivante qui est laleur. Aux oeuvres comme à notre attention, il appartient de savoir la saisir et l’entretenir. Ofrenda nous montre comment accueillir la beauté des lieux, leur ordonnancement singulier, fruit du déploiement de la nature vivante et du travail de l’homme. Commes’il n’y avait là qu’un seul et même mouvement, par lequel la nature sefait poème et le poème fait sonnerla nature. « L’homme est un coup d’oeil créateur de la nature se retournant sur elle-même » écrivait Schlegel en 1800. Et Novalis, à la même époque : « L’art fait partie de la nature, […] il est pour ainsi direla nature qui se contemple, s’imite,et se forme elle-même ». C’est dansla lignée de ce premier romantismeque s’inscrit Ofrenda, en nousinvitant à considérer l’art commeune offrande de la nature à elle même et la beauté comme une adresse de la nature à notre attention. Dans la catastrophe écologiqueen cours, un tel programme n’arien d’un idéalisme éthéré ou d’un anachronisme nostalgique, c’est une esthétique pour notre temps.

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